Sentier artistique des Passeurs

Tu l’as compris mon canard, l’art contemporain j’y capte rien, mais j’ai appris qu’à la Haute-Loge, à 930 mètres d’altitude, eh bien une chaudasse est venue près du totem à Jean-Luc. Ah non, c’est pas moi qui le dis, c’est gravé dans le bois !

Après il y en a pour venir se plaindre comme quoi moi j’aurais les idées mal placées alors qu’innocemment, même ingénument, naïvement, je suis partie par une journée d’août (vraiment chaude, elle aussi) pour participer à une nouvelle randonnée. J’ai grimpé, transpiré, je n’avais que des pensées artistiques dont je vais d’ailleurs te parler tout à l’heure, j’étais toute à la montagne, dévouée à l’art, collée à ma bouteille d’eau dont j’exsudais le contenu plus vite que je l’avalais, c’est te dire comme j’avais chaud, et là, contente d’arriver à la pause déjeuner, qu’apprends-je ? Qu’une chaudasse s’était déjà installée ! Si, si, je te… oh puis zut, regarde les photos, tu verras toi-même !

Déjà que moi, j’étais émoustillée par les gardes forestiers à cheval, apparus tels des cavaliers surgis non pas de la nuit mais de la forêt vosgienne, verbalisant les voitures garées là où c’est interdit, surveillant le comportement des touristes, photographiant et collant de suite des amendes électroniques… Allez à toi je le dis, ô lectrice ou lecteur assidu(e), oui je fus instantanément amoureuse, style le Nescafé du cavalier, je fuis séduite, subjuguée, transfigurée, transportée, rêveuse, baveuse, la langue jusque dans le sable au risque d’affoler trois fourmis travailleuses. Il était là, devant moi, et moi qui hurlais « mais verbalise-moi que diable ! je n’ai pas les chaussures règlementaires, je produis du méthane et autres gaz à effet de serre, je bois du whisky en cachette… Mais verbalise-moi ô sylvestre apollon, appréhende-moi verdâtre éphèbe, arrête-moi jouvenceau barbu, assujettis-moi ô uniformisé seigneur, mais regarde-moi délicieux prince, je suis en infraction ! ».

Rien à faire, il m’ignore… J’en profite donc pour t’informer qu’on s’est tapé le sentier des Passeurs qui durant la Deuxième Guerre Mondiale, permettait de passer de l’Alsace annexée à la France occupée. Et depuis les années 2000, c’est devenu aussi un sentier artistique s’enrichissant chaque année d’œuvres nouvelles.

A la Haute-Loge, je l’ai revu. La culotte trempée (à cause de la chaleur, garnement, va !), les cheveux décoiffés, le t-shirt déconfit, je lui offris une œillade salace dont il se lassa. Mais je suis en infraction, jeune champion, j’ai tout fait : j’ai cueilli une orchidée même s’il n’y en a pas dans le coin, j’ai effrayé un corbeau, j’ai bouché le tunnel de Sainte-Marie, j’ai construit une deuxième tour sur LA cathédrale, j’ai réintroduit les dindes dans les bergeries, j’ai pété dans la montée, mais je mérite une amende, une réprimande, une remontrance, voire une fessée, non ? Non ? Toujours pas ?

Mais lui, dédaigneux, ignorant, ne me vit pas. Il chevaucha fier et magnifique vers le soleil couchant (oui ben je le fais se coucher quand je veux, c’est quand même moi qui écris), restant éternellement hors de ma gourmande portée… Et ignorant l’œuvre d’art qui sommeille en moi.

Karina-Iris

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