Comme il n’y avait pas de ruine au menu du jour, eh bien il y a des gens qu’en ont carrément construite une ! Si, si, je t’assure, c’était avant la soirée de Réveillon, alors je m’en souviens très bien.
Vu qu’on créchait à sept-cents mètres d’altitude, je pesais moins lourd puisque plus on prend de l’altitude, plus la gravité diminue. Rassure-toi mon canard, à sept-cents mètres, ça fait moins de 0,2 % de mon poids, alors il en reste encore, tu risques pas de me voir disparaître ! Par contre, nous on était en plein soleil et on devinait les vallées sous un océan de brouillard. Ouah, c’est que je tourne poète, moi, en altitude !
Direction Grendelbruch avant une marche dans l’ombre de la forêt. Encore une belle idée ça, marcher à l’ombre dans ce froid, sous les arbres gelés ! M’enfin bon, je râle pas, je me retiens, tout va bien. Finalement, c’était pas si irréfléchi que ça puisque comme on contournait un sommet, on a fini par se retrouver sur la face sud et donc un peu moins au froid.
Je me voyais redescendre pépère mais non, mais non, évidemment que non, le sommet, il a fallu qu’on grimpe dessus ! Ben tiens, 570 mètres et tout ça pour quoi ? Eh oui, une ruine ! Pire même. Dans le temps c’étaient quelques caillasses qu’on te vendait comme un ancien camp celtique. De quoi rêver avec tous ces valeureux pré-athlètes en peaux de bêtes et casque avec une plume au bout, oh oui, Gaël, Erwan, Tugdual, Guénolé (quoi que celui-là il me fait moins délirer), emmène-moi dans ta hutte et jette-moi sur une peau de sanglier (oui y a plus d’ours dans le coin)… Mais que dalle ! Rien ! Y’avait pas un poil de Celte là-haut, rien.
Vers 2022, t’as les gars d’Archéologie Alsace qui ont dû s’ennuyer un matin et se sont mis à fouiller le sommet pour déterminer que c’est en fait un des tous premiers châteaux-forts d’Alsace ! Construit en bois sur des fondations en grès. Il daterait du 10ème siècle et aurait été détruit au 11ème. Figure-toi que le pape Léon IX himself, le fameux alsacien-mosellan, aurait parlé de l’endroit en 1049 dans une de ses bulles (qu’il ne commettait pas dans son bain, lui). Puis plus rien, abandon du site. Du coup, peut-être qu’il y a quand même eu des Celtes puisqu’on a retrouvé des bouts de vaisselle de l’époque. Enfin j’en sais rien, moi j’attends des réponses. Continuez à fouiller les gars et si vous trouvez des poils de sanglier, me le dites pas, j’aurais que des regrets !
Du coup, on est bons pour lire encore dans tous les guides de rando « Le Mystérieux Purpurkopf » ! Sans réponse claire, frustrée par cette absence de Celte viril, je suis rentrée en montant au Signal de Grendelbruch après le Cercle de Pierres. Le Stonehenge alsacien, tu parles ! Une ronde de petits menhirs. Je t’explique : ce serait un site néo-druidique que des rêveurs ont érigé dans les années 1980 en utilisant néanmoins des pierres couchées dont ils se sont mis à se dire que ça aurait pu être… Je peux essayer de jouer la Grande Prêtresse sur des airs de new wave, tu vas me rire au nez que j’ai réfrigéré, alors je te laisse, je rentre au refuge me faire belle pour le Réveillon. Y’en a un qui a osé un « y’a du boulot », alors oui, y’en a maintenant du boulot, c’est vrai, mais pour le désolidariser du menhir dans lequel je l’ai inscrusté.
Karina-Iris







































