A ton avis, grand malin, pourquoi je me retrouve devant une Bitburger Premium Pils 4,8% que j’ai réussi à commander dans la langue de Nena ? Que je te raconte ma journée, tu vas pas en revenir. Moi j’en suis revenue mais à un moment donné, je n’y croyais plus. Je t’explique.
J’ai débuté mon tour dans l’Eifel à Mörsdorf style chaussures aux pieds, humant la forêt, goûtant la fraîcheur du sous-bois (tu le sais, j’aime les sous-bois), descendant, montant, suant, buvant de l’eau (pour l’instant) bref, tout allait à peu près bien sauf que j’ai encore dû manger du taboulé mais, me diras-tu dans un élan de perspicacité, je n’avais qu’à pas l’acheter !
Et là au détour d’un sentier, brusquement, aussi subitement que brutalement, ex abrupto écrirais-je si je me lançais dans un nouvel article culturel, voilà la vision d’horreur. Ça s’appelle le Geierlay et quand tu sais que « Geier » dans la langue de Nina Hagen, ça veut dire « vautour », tu as confirmation, que le machin, c’est mortel. Imagine : 360 mètres de long, 100 mètres de hauteur (personne n’a jamais songé à en mesure la largeur ?), des câbles, du bois, bref, une passerelle. Ou un pont suspendu, on sait pas. Mais pas le machin avec trois planches qui t’évite de faire plouf dans un fossé, non, là on est sur le modèle de compétition, tu vois.
De nos jours, on construit des ponts, des viaducs, des tunnels, enfin des accès civilisés, quoi. Là, en 2015, y’a une sorte de sadique qu’a eu l’idée d’imiter une passerelle népalaise, au point que je me demande ce qu’il a fumé à Katmandou, celui-là. Alors la voir, passe encore, tu fais semblant de pas l’avoir aperçue et tu te mets à espérer tout en commençant à réviser le Notre Père ; mais là, tu entends la sentence que tu voulais surtout pas entendre. Avec un geste de la main, tu perçois dans une sorte d’état second le redouté « c’est par là ». Non mais tu rêves, mon canard ! Jamais ! Niemals ! Never ! Kahile pani ! (pour le coup je te fais la version népalaise). Mais quel est le zombi enfumé qui a eu l’idée de faire passer un parcours de randonnée là-dessus ?
Donc là, tu fais quoi ? Tu sors toutes les antennes dont tu disposes pour capter le premier dieu venu. Tu tentes de te rappeler une prière du genre « sur la terre mais surtout comme au ciel », tu songes même à te convertir chez le premier qui te tirera de là. Tu as soudain une vision d’un pompier secourable et tu te fous qu’il soit mignon ou pas, pourvu qu’il te tire, qu’il t’arrache de cette maudite passerelle. Oh oui, Wilfried, emmène-moi, ne pars pas sans moi, laisse-moi te suivre dans ton hélico. Je m’abandonne, je capitule, je suis à toi, j’ai une dette ; si, si j’insiste et je veux l’éponger. Les bons comtes font les bons marquis !
J’ai le vertige, j’ai en tête une marche funèbre, j’oublie Mozart, je tourne le dos à Rossini, je verdis, vite un bach de glaçons, ramenez-moi sur le plancher des vaches qui elles, sont pas connes, et ne s’engageraient jamais dans des acrobaties pareilles ! Et tout ça en plus, dans la langue de Marlène. Alors maintenant, grand malin, tu penses pas que je l’ai méritée, ma Bitburger Premium Pils 4,8% ?
Karina-Iris
Merci pour les photos complémentaires à Chantal, Jean-Luc, Sophie et Véronique.



















































