Avril ? Moi je me serais crue en juillet. Mais bon, rando facile depuis Wingen-sur-Moder (à ne pas confondre avec Wingen qu’est pas sur Moder), durant laquelle nous montâmes dans le chatoyant vert printanier, et nous écoutâmes la symphonie forestière des volatiles en chaleur… Ben si, s’ils font cui-cui, c’est pas juste pour nos oreilles. Alors on arrête là la poésie et on se pose autour de la Pierre des Douze Apôtres qui existait bien avant l’Armée des Douze Singes puisqu’elle date des druides avant d’être transformée en monument religieux. Au 18ème siècle, voilà qu’on lui colle trois Apôtres sur chaque côté, à priori de la part d’un marchand de vin ; selon moi il a donc mis le monument à sa sauce… (OK pas fameuse celle-là, j’avoue).
Mais c’est dès le 16ème siècle qu’y était prêchée la Réforme, par un certain Melanchton ! Non, y’a pas de faute d’orthographe. S’agit de Philippe, l’un des prêcheurs préférés de Martin Luther. Et depuis 1930, on a affaire ici à un Monument Historique.
Une fois expédiée la rando, j’ai foncé au Musée Lalique qui expose depuis 2011 le génie de René Lalique, artiste, créateur, verrier, entrepreneur… Son entreprise de verrerie existe toujours à Wingen-sur-Moder.
Et là, mon canard, là, je me suis pâmée devant tant de merveilles. Petite musique de fond années trente, photos d’époque, l’ambiance y est, tous ces objets de luxe sont remis dans leur contexte, m’en fallait pas plus pour voyager dans le temps et devenir la Baronne de la Rougefesse du Martinet. Durant les années folles, j’exhibe mes fins et luxueux bijoux dans les soirées de cabarets improbables, éclusant du Dom Pérignon et avalant, oui, goulue et passionnée, le meilleur des caviars, m’enivrant d’un Lambeth Walk endiablé et vantant ma traversée transatlantique sur le Normandie. En chapeau cloche et robe à clapet, je fais le 06 de mon chauffeur et… qui a dit de dire à « la grosse » qu’y avait pas de 06 à l’époque ? Anachronique toi-même ! Bref, je hèle mon chauffeur et m’engouffre dans ma Panhard-Levassor 6DS pour une virée… Qu’est-ce que j’entends « une baleine ça rentre pas dans une Panhard » ? Deviens pas vexant, toi, j’ai perdu deux kilos récemment alors… donc pour une virée nocturne dans l’air chaud et frémissant du Paris survolté des années vingt et trente. Avant que de m’extraire de ma Panhard et de rentrer dans… Non mon gars, non, pas besoin d’une bétaillère Renault ZJ, ma ligne certes en détresse mais néanmoins désirable me permet encore d’être élégante dans n’importe quelle voiture !
Bref je rentre chez moi, je me sens bien dans mon appartement bourgeois avec les lustres, les verres, les bouteilles, les flacons vaporisateurs de parfum, et même les lampes, tous achetés chez Lalique. Faut dire que les œuvres du René, je les ai découvertes à l’Exposition Universelle de Paris en 1925 où il tenait la vedette, et moi la chandelle, car il en a fait des conquêtes, mais n’a jamais voulu me conquérir, moi. Je me suis entourée d’Art Nouveau et je tire sur mon fume-cigarette façon Marlène dans un cabaret berlinois en attendant avec impatience ma prochaine nuit de folie.
Je mets un charleston sur mon gramophone et j’expire la fumée en me servant un gin ricky pour constater que là-bas à l’Est, le soleil ne va pas tarder à se lever, et les années folles à se coucher pour toujours…
Et le Lambeth Walk tourne dans ma tête, encore et encore… j’ouvre les yeux, me voilà presqu’un siècle plus tard en 2024 avec mon téléphone qui me réveille au son de cette mélodie. Peut-être que j’y étais vraiment, dans une vie précédente ?
Karina-Iris






































