Des ruines comme chez nous…

Klaxons dans la Vallée du Steinbächle cet après-midi. Et nombreux. Un mariage ? Un conducteur impatient ? Que nenni ! Je n’ai jamais vu autant de tracteurs d’un coup, des dizaines klaxonnant en manifestant sur la route contre les nouvelles contraintes européennes. Ah oui, z’en ont parlé aux infos, des manifs d’agriculteurs allemands. Ben j’ai eu le temps de traverser la route avant l’arrivée de la cohorte ; à ça près, je me faisais enlever par un beau paysan pour une virée en tracteur vers sa ferme de Forêt-Noire…Oh oui, Helmut, klaxonne-moi et séduis-moi !

L’histoire se répète parce qu’au 13ème siècle déjà, les gars du château de Lutzelhardt en avaient kidnappé un du Hohengeroldseck. Mais le kidnappé avait gardé par-delà lui son cor et a ainsi pu appeler les renforts pour être libéré. Du coup, destruction du Lutzelhardt dans la foulée en 1245 ; les Monuments Historiques à l’époque, ils ne connaissaient pas. Puis on sait pas si c’est une légende ou pas !

Par -5°C, courageuse, j’ai débarqué à Seelbach, le bonnet en place, les gants enfilés, le pantalon sur le caleçon long, la polaire ajustée, la veste bien fermée et le sac-à-dos arrimé sur mon dos vaillant. Et c’est là que je me suis aperçue que je devais faire pipi… Grrr… Tout était à recommencer. Une fois expédiés ces impératifs anatomiques, je cheminai dans la forêt et à travers les prés blanchis par le givre, avant d’entamer la grande montée vers la première ruine. Le Hohengeroldseck où je me pointai gosier sévère sec justement, attendant d’entendre le doux son d’une bouteille de rouge qu’on débouche. Déjeuner au château, c’est pas mal quand même. Oui mon canard, c’est une ruine, mais c’est celle d’un château de sept-cents ans, ça a plus de gueule que toi dans ton canapé Ikea devant une émission sportive à la télé. Moi j’ai vraiment fait du sport, eh oui, dans un décor aussi givré que moi encore sous le charme de Helmut qui ne m’a même pas regardée depuis son tracteur.

J’ai décidé de lui montrer de quoi je suis capable et me suis donc enfilé les kilomètres à pied (qui usent, qui usent…) jusqu’à la ruine du Lutzelhardt. Un moment j’ai pensé y jouer du cor pour que Helmut vienne me chercher, mais ne disposant pas d’un tel instrument, je me contentai d’un gémissement langoureux auquel me répondirent les klaxons des tracteurs depuis la vallée. Bon là, c’était une ruine de chez ruine, les gars du Hohengeroldseck n’avaient pas fait dans la dentelle quand ils ont tout saccagé.

A Seelbach enfin, chocolat chaud ou café pour reprendre quelques calories. Avec du lait allemand ou venant d’on ne sait où ? Et les vaches qui l’ont produit seront-elles transportées en Transylvanie pour en revenir sous forme de steaks hachés ? Ou pour y rester parce que les steaks sud-américains auront pris leur place ? Ah oui, c’est pour ça qu’il klaxonne, mon Helmut, en parcourant la vallée dans la manif de tracteurs…

Retour rive gauche du Rhin pour passer ma soirée sur mon canapé Ikea devant ma télé, en regardant une série allemande. Un coup de klaxon dans la rue… Helmut… ?

Karina-Iris

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