Née dans la Pfalz, la petite rivière devient la frontière franco-allemande au nord de l’Alsace, avant de se jeter lascivement dans les bras du Rhin conquérant… Elle est nature, non aménagée, sans doute la seule en Alsace. Un peu sauvage, genre pas lavée ; je ne sais pas comment le Rhin, hyper-canalisé, reçoit la chose. Il doit aimer ce petit fumet sauvage. Evidemment, ça n’a pas loupé, les Français et les Allemands en ont profité pour se taper dessus dans le secteur. A commencer par le Traité de Vienne en 1815 qui coupe le village en deux. T’as Scheibenhard côté français et Scheibenhardt côté allemand. Outre-Lauter, diraient les journalistes. T’as remarqué que c’est toujours outre quelque chose dans leurs reportages ? C’est aussi là que les Alliés ont fait la première percée en territoire allemand, le 24 mars 1945. Et malheureusement ils ont un peu tout cassé dans le village.
Aujourd’hui, la bicoque des douaniers a changé de vocation, elle est devenue une baraque à livres.
Parfois, la Lauter s’étale et forme des plages, d’autres fois elle a creusé des petits canyons. Aussi, je m’attendais à voir surgir un Indien aussi sauvage que la rivière, le torse luisant, les peintures viriles et les plumes flamboyantes, m’embarquant telle une jeune pionnière de l’Ouest, innocente et terrifiée (encore que…) sur son fier étalon… Eh du calme Coyote-En-Rut, tu pues le cheval ! Moi je continue à pied. Et donc nous voilà à longer la Lauter jusqu’au Moulin de Bienwald. Moi je m’imaginais un truc avec des ailes qui tournent. Que dalle ! C’est un moulin à eau. Belle bâtisse quand même, dont j’aurais bien fait mon château. M’y serais installée avec Coyote-en-Rut et vas-y la vie de rentière débridée (donc sans le cheval…).
L’après-midi, changement de décor. Schleithal, tu connais ? Presque quatre kilomètres, la rue principale ! Le plus long village d’Alsace ! Et je te laisse deviner sur qui c’est tombé. Hé oui…
A l’époque, les paysans suivaient un cours d’eau souterrain pour forer les puits des nouvelles fermes, ce qui a donné ce patelin tout en longueur. Moi ce genre d’originalités, ça m’agace les semelles si tu veux savoir. Ça m’énerve les chaussettes, ça me met les lacets en pétard, ça me contrarie les orteils. On a quand même compté les numéros des maisons jusqu’au 315 ! T’as pas ça chez toi, hein ?
Puis les champs, la vue sur les Vosges du Nord et la Forêt-Noire, dans une belle lumière, là tout en-haut à droite sur la carte de France, dans l’un des quatre coins de l’Hexagone… Tu dis quoi, mon canard ? Un hexagone, ça a six coins ? Alors pourquoi les journalistes parlent toujours des quatre coins de l’hexagone ? Donc moi je me cultive aux infos, j’écoute, je retiens, ce qu’est pas toujours gagné, et on me donne des fausses infos ? Je vais te mettre tout le monde d’accord moi : on va partir sur cinq coins, ça te va ?
Et voilà, j’ai perdu le fil de ma pensée, qu’est déjà pas bien épais, moi qui voulais te faire mon propre reportage de journaliste sur le terrain, eh bien tant pis. Retour Scheibenhard, retour maison, douche, une soupe et au lit ! Eh non, pas d’apéro, mauvaise langue… c’est Carême !
Karina-Iris
















































